Chronique d'un combat
La lutte : Homo Sapiens vs Cimex Lectularius
On se targue souvent d’être les créatures les plus intelligentes de la terre. On a peint la Joconde. On a construit les pyramides. On a inventé l’automobile. Et le gaz moutarde.
Ainsi, l’erreur serait de sous-estimer votre adversaire en vous disant simplement : «Moi, singe évolué, est nécessairement plus malin que la punaise, minable invertébré.»
Car rien n’est plus faux. Bien entendu, il faut revoir la notion d’idiotie et d’intelligence selon d’autres critères que les nôtres. À proprement parler, les punaises sont incapables de processus cognitifs. Elles obéissent cependant à des instincts de survie très basiques, mais vachement bien déterminés. Ces mêmes pulsions mettront durement à l’épreuve votre cerveau de primate.
En effet, malgré ses 5 mm, votre adversaire est de taille. Et rudement rusée.
Les punaises détectent le monoxyde de carbone que nous expirons durant notre sommeil à plusieurs mètres de distance.
Elles vont naturellement migrer vers un autre endroit si elles se sentent menacées.
Elles détectent aussi la chaleur (le bon sang chaud...) qui émet un rayonnement infra-rouge à plus de 10 cm de distance.
Elles ne bougeront pas de leur cachette si leur hôte est actif, à moins qu’elles aient incroyablement faim. Elles attendent une inertie d'au moins 15 minutes avant de sortir de leur repaire.
Comme les araignées, elles feignent la mort quand elles croient leur vie en danger.
Elles piquent entre 3 et 5 heures du matin, le moment où la majorité des gens sont profondément endormis. Leur piqûre est généralement indolore, ce qui leur permet de retourner dans leur cachette sans se faire coincer par le gros singe délectable que vous êtes.
Bref, elles sont futées.
J’ai gagné ce combat. Il s’est soldé à la suite de bons coups et de bêtises. Vous aussi, un jour, vous y arriverez.
Je récapitule rapidement, pour ceux qui n’ont pas lu
mes chroniques du «first encounter».29 janvier 2007. J’avais finalement trouvé une punaise, et ma mère l’avait fait identifier. Croyant alors la carcasse inutile, elle l’avait jetée.
Nota Bene de Corinne : SVP, si vous trouvez une punaise de lit, GARDEZ-LA. En fait, gardez tout, les carcasses, les excréments, tout. Cela pourrait vous servir de preuve. Lorsque je continuais à me faire piquer suite à ma première extermination, l’exterminateur commençait à être sceptique, car il ne voyait jamais rien. Il n'y avait aucune trace de punaise dans mon logement. Il commençait même à douter du fait que j’en aie eu un jour. Si vous êtes locataire, votre propriétaire pourrait aussi vous demander de voir un spécimen.
Il est même possible que vous n’en voyiez JAMAIS, c’est vous dire comment cette preuve est précieuse...
Dans les semaines qui ont suivi la découverte de la punaise, j’ai tout essayé : laver les draps à l’eau bouillante et passer l’aspirateur partout (dans les fentes du plancher, derrières les plinthes, dans les replis de couture du matelas et du sommier, dans chaque recoin de meuble). J’ai aussi posé de la terre diatomée près de mon lit (à éviter, la terre diatomée est très volatile et peut se loger dans vos poumons).
Nota Bene de Corinne : Jetez les sacs d'aspirateur après utilisation. Des oeufs et des punaises pourraient s'y retrouver.
5 février 2007. Étant donné que je me faisais toujours piquer, je m’étais alors résignée à faire appel à un exterminateur.
Nota Bene de Corinne : Choisissez bien votre exterminateur. C’est important. J’ai fait quelques appels avant de tomber sur quelqu’un qui a pris le temps de répondre à toutes mes questions avec courtoisie et avec tant d’érudition qu’on aurait pu le prendre pour un entomologiste. Bien qu’il soit tentant de choisir le moins cher et celui qui assure une garantie «illimitée», faites fi de ces facteurs alléchants. Le mien, en l’occurrence, me garantissait le travail pour une période de trois mois (compte tenu que les œufs prennent jusqu'à 2 semaines à éclore) Il m’a dit de me méfier des exterminateurs qui font une soi disant «garantie illimitée», car les punaises - qui sont très difficiles à enrayer- peuvent réapparaître à tout moment et aucun exterminateur n'accepterait de refaire le travail indéfiniment. D’autres ne le garantissent tout simplement pas.
Nota Bene de Corinne : Si vous êtes locataire (et Québécois), sachez que, selon la Régie du Logement,
c’est le propriétaire qui est responsable en cas de parasites. À lui, donc, de défrayer les coûts d’extermination.
6 février 2007. Dans un moment de panique, je jette mon divan et mon sommier. Le divan était vieux et plein de replis (donc plein de cachettes pour les punaises) et je n’arrivais pas à voir correctement l’intérieur de mon sommier (donc d’autres possibilités de cachettes pour les punaises…).
Nota Bene de Corinne : Inutile de jeter quoi que ce soit, à moins que vous soyez convaincus que le meuble en question soit complètement INFESTÉ de punaises et totalement irrécupérable. En effet, les exterminateurs peuvent traiter vos meubles avec leurs pesticides. De plus, si vous avez toujours des punaises chez vous après l’extermination (hélas! Cela peut arriver…) et que vous achetez du nouveau mobilier pour remplacer l’ancien, les punaises risquent de migrer dans vos nouveaux achats…
On m’avait dit qu’il était préférable de sceller mon matelas dans un grand couvre-matelas en plastique, supposément disponible dans les pharmacies, ceci pour éviter que les punaises viennent s’établir dedans. J’en ai cherché pendant des jours, sans succès. J’ai donc acheté quelques rideaux de douche en plastique à Dollarama et j’ai tenté de le recouvrir tant bien que mal avec ces toiles. Résultat pathétique.
16 février 2007. L’exterminateur vient pour la première fois. Il asperge TOUTES les plinthes de mon appartement, mes meubles de salon et de chambre, ainsi que mon matelas. Il m’avait demandé de vider tous les meubles de ma chambre. J’avais tout lavé à l’eau chaude, et avais placé les vêtements «décontaminés» dans des sacs de plastique à fermeture éclair (les mêmes qui servent d’emballage lorsqu’on achète des draps ou couvertures). Le reste, je l’avais scellé dans de larges sacs de poubelles que j’avais placé sur mon balcon.
Nota Bene de Corinne : Avis aux Québécois, la température hivernale joue en votre faveur. Les punaises meurent après deux jours en dessous de -20. Donc ce que vous ne pouvez laver, placez-le dehors par temps de grand froid.
SVP, pour ceux qui seraient tentés de le faire (oui, j’ai déjà entendu cette suggestion…), n’essayez pas de fermer le chauffage et d’ouvrir les fenêtres pendant des jours dans l’espoir de tuer les punaises par le froid!!! En plus d’être complètement inutile (jamais vous n’arriverez à obtenir une température de -20 à l’intérieur!) vous pourriez endommager du matériel (électronique et électroménagers) et conduits d’eau à l’intérieur de votre logis.
19 février 2007. Je me fais piquer à nouveau. Je pleure. J’appelle l’exterminateur qui m’explique que cela est chose normale. En effet, les insectes doivent sortir de leur cachette et se rendre jusqu’à l’hôte afin de marcher dans le poison. Il faut donc se placer en appât pour les bêtes pendant quelques temps (joie!).
Pendant quelques semaines, calme plat.
7 mars 2007. L’exterminateur vient faire son tour de contrôle. Il inspecte mon appartement, me pose des questions, etc. Il ne voit aucune trace. Je suis contente, il est content. Vive la vie.
Nota Bene de Corinne : Si votre exterminateur est compétent et soucieux, il se devrait toujours de faire un suivi après l’extermination initiale.
14 mars 2007. Vient le retour du drame. Nouvelles piqûres, nouveaux pleurs.
16 mars 2007. Deuxième extermination (gratuite, car j'étais toujours dans les fameux «trois mois de garantie»). Cette fois-là, l’exterminateur reste perplexe. Il ne voit toujours aucune punaise, aucune trace de sa présence. Il pense que j’ai été victime de ce qu’il appelle un «accident» (i.e. j’aurais apporté chez moi un mâle ou une femelle qui heureusement n’était pas enceinte). Sceptique et me croyant atteinte d’une maladie mentale, il décide tout de même de fumiger ma chambre et mon matelas.
Tranquillement, j'ai recommencé à faire des nuits complètes et reposantes. J'ai retrouvé la douceur de mon chez-moi.
Ainsi s'est soldé ce combat.
Parfois, encore aujourd'hui, je me blottis le soir dans mes couvertures, béate, et apprécie chaque minute de ce délicieux intervalle entre l'apaisement et le sommeil, ce moment divin où l'on sait que rien ne peut nous atteindre, à part les rêves. Ce sont les minutes les plus délectables...